Retour critique sur l’occupation de la Poly-U.
Nous avons rencontré un chercheur en sciences sociales à son retour de l’occupation de l’université polytechnique de Hong Kong au début de l’année 2020. Il livre, en six chapitres, son témoignage sur le répertoire d’action, l’appareil théorique des émeutiers et des occupants, l’agencement problématique entre l’agenda militant et l’agenda électoral de la fin de l’année 2019. Ces quelques chapitres n’épuisent pas le sujet d’une analyse de classe serrée des problématiques de la révolte hongkongaise mais sont conçus comme une contribution à l’analyse des mouvements sociaux et révolutionnaires à l’œuvre dans nombre de parties du monde.
Chapitre 1 : Topographie de la révolte. Du « be water » aux occupations
Ce chapitre introductif permet de comprendre la géographie de la révolte, de l’université chinoise à l’université polytechnique en passant par les rémanences de la révolte des parapluies et l’échec de l’occupation du conseil législatif. La tactique émeutière du « be water » s’est progressivement muée en stratégie d’éclosion généralisée et en implantations plus telluriques autour des pôles universitaires de la ville.
Chapitre 2 : Crowdsourcing tactique. Décentraliser le commandement
Où sont les AG ? La révolte de PolyU à Hong Kong est fille de son temps et le répertoire d’action des manifestants s’adosse à l’ensemble des technologies numériques à la disposition des participants. Au reste, ce n’est pas qu’un geste technique que ce recours aux chaînes Telegram signale, mais bien une nouvelle conception tactique de la révolte, davantage acéphale et rhizomatique.
Chapitre 3 : Tenir l’occupation. La division du travail insurgé
Une des grandes forces du mouvement d’occupation des universités réside dans la capacité à innover et à distribuer des rôles précis aux insurgés. Ces rôles sont complémentaires entre eux et prouvent clairement, s’il en était besoin, que l’émeute doit s’adosser à une logistique d’ampleur pour tenir dans la durée. Pour autant, cette distribution des rôles n’implique pas un processus institutionnalisé d’assignation des tâches. Elle s’opère de manière organique, en fonction des dispositions de chacun.e.
Chapitre 4 : L’économie de la violence. Une stratégie d’épuisement
De part et d’autres des barricades en flammes, les manifestants comme la police jouent une partition rythmée par une geste essentiellement défensive. L’utilisation relativement mesurée de la force par la police, en comparaison de la situation chilienne ou française, répond à un enracinement de l’occupation dont le rôle premier est de tenir et de se défendre sur le terrain du campus. Cette stratégie d’attrition de part et d’autre est gagnante pour la police qui parvient à maintenir le blocus sur la fac malgré l’embrasement généralisé de la ville pour rompre la gigantesque nasse.
Chapitre 5 : Imaginaires en tension. Les habits neufs de la Guerre froide ?
Révolte citoyenniste, anti-communiste et pro-Occident ? L’insurrection hongkongaise est sans doute plus complexe qu’une analyse de l’immédiat après-Guerre froide pourrait le laisser entendre. L’occupation et les affrontements qui embrasèrent la ville pour casser le siège de PolyU s’adossent à un agenda politique complexe où le recours aux élections joue un rôle majeur. Cependant, les espoirs suscités par la victoire des candidats pro-démocratie aux dernières élections seront sans nul doute douchés au printemps.
Chapitre 6 : Races et classes. L’ethnicisation de la démocratie
La dimension identitaire, y compris dans la mobilisation d’une langue et d’une iconographie situées et territorialisées, doit être mise en avant. L’articulation des insurgés bourgeois et éduqués avec les révoltés des quartiers et des classes populaires révèle un agencement problématique, tout comme les tensions émaillant les relations avec les Chinois du continent, les travailleuses migrantes philippines ou les populations issues de l’immigration indo-pakistanaise par des insurgés dont l’ethnicité s’enchevêtre avec l’engagement civique.
© [Crédits photographies] Laurent Gayer